Le Pacte : Notre liberté au travail a-t-elle un prix ?
vendredi 8 septembre 2023
Le pacte rend possible la rémunération de missions pour les enseignant·es.
Dans le second degré, il s’agit de missions de remplacement de courte de durée ou de missions pour monter des projets.
Dans le premier degré, une mission consiste à aller faire du soutien en mathématiques et français au collège en classe de 6°.
En lycée pro, la situation est encore plus complexe et peu définie. Hier on annonce un pacte non- sécable aujourd’hui il devient sécable.
Et demain ? Les changements de dernière minute montrent bien le manque de réflexion et d’organisation.
Si un grand flou entoure les missions concernées par la réforme, nous pouvons admettre que ces missions occuperont une place importante dans l’emploi du temps d’un·e enseignant·e.
De l’art de déplacer le problème ou d’ignorer l’éléphant qui est dans la pièce
Le pacte, selon nos dirigeant·es, était une manière d’enrichir le système scolaire, de valoriser le travail des enseignant.es, la réalité est toute autre et amère.
Avec le pacte, les enseignant.es n’auront toujours pas les moyens de faire progresser les élèves. Les remplacements au pied levé ne leur permettront pas de s’organiser, ces remplacements s’apparenteront davantage à de la garderie. Les situations de cours resteront intactes.
Le pacte est, en fait, une manière de culpabiliser encore les enseignant·es. Nous n’entendons jamais parler de réduction des effectifs en revanche les postes se réduisent. Combien d’heures perdues chaque année, combien d’enseignant.es ne sont pas remplacé·es ?
Encore une fois, nos dirigeant.es ont fait le choix du pire.
Pour une meilleure école, il ne faut pas agiter une carotte devant le nez des enseignant.es mais donner la possibilité de faire progresser les élèves en :
• réduisant les effectifs
• augmentant le nombre de places aux concours
• recrutant davantage de surveillant.es, davantage d’AESH : les former et leur donner un
vrai salaire, un vrai statut.
Malheureusement, ce n’est pas le choix qui a été fait.
Le SUNDEP-Solidaires dénonce à nouveau une nouvelle surcharge de travail, une prime injuste qui favorisera seulement certain.es et bien plus que ça : la mise en péril de notre statut.
En marche vers l’ubérisation du métier d’enseignant·e !
Le pacte contre le salaire au statut, une contractualisation « en marche »
Devenir enseignant.e titulaire, c’est un long parcours. Concours, inspections, formations... Beaucoup d’entre-nous sont passé.es par la case maître auxiliaire avant de devenir titulaire. Beaucoup ont été ballotté.es d’un établissement à un autre avant de devenir titulaire de leur poste. On sait que le concours n’est pas seulement le garant d’un salaire décent, il est le garant de stabilité professionnelle, de reconnaissance sociale.
En l’absence de titularisation massive des contractuel.les, obtenir le concours, c’est la seule possibilité de consolider sa place dans un établissement, de travailler en équipe, de pérenniser son enseignement, de commencer des projets, de construire sa carrière. Obtenir le concours, c’est donc accéder à un nouveau statut, être reconnu.es par ses pairs, pouvoir exercer son métier avec une liberté certaine.
Mais le pacte dessine de nouvelles perspectives quant à notre statut, le met en danger, l’attaque insidieusement et amène à une individualisation du métier : exit le collectif. On préfère multiplier les missions des enseignant·es et disperser les forces. Le pacte, sous couvert d’un contrat, renforce le rôle du/de la chef·fe d’établissement qui s’apparente un peu plus à celui d’un manager.
Autre problème : le pacte, fondé sur le « volontariat », risque de semer la discorde en mettant les collègues en concurrence. Il y aura les « pacté·es » et « non pacté·es », ceux et celles qui peuvent/ceux et celles qui ne peuvent pas, ceux et celles à qui on le propose/ceux et celles à qui on ne le propose pas, ceux et celles à qui on le donne gracieusement... Une façon donc de créer des jalousies, de creuser les inégalités au sein même des équipes, de diviser les enseignant.es aussi.
Nous allons donc vers, non seulement, une contractualisation du métier mais aussi un salaire à la tâche.
Étant donné le flou des missions du pacte le pire est encore à craindre : des astreintes, des emplois du temps à trous, une mise au service de l’établissement. L’enseignant·e devient corvéable à merci. Le SUNDEP-Solidaires dénonce une atteinte à notre liberté personnelle et pédagogique.
Ainsi le pacte, en attribuant une rémunération à des missions, invite les enseignant·es à changer leur rapport au travail :
Fini la confiance, retour au contrôle.
Fini le statut collectif, retour à la mission.
Le pacte contre les conquêtes syndicales
Présenter les formes anciennes de travail comme des éléments de modernité est devenu un classique du marketing patronal et étatique. Nous le connaissons toutes et tous par cœur :
Les fonctionnaires, les statuts, le droit du travail → archaïque
Le travail indépendant, l’individualisation, la mission → moderne
Rappelons que le paiement à la tâche ou à la mission est l’une des premières formes de travail en régime capitaliste.
Plus une personne pouvait ramasser de fruits, par exemple, et plus elle était payée.
Ces formes de travail n’ont pas disparu, comme l’illustrent les primes des commerciaux et les livraisons des chauffeurs ubérisés. Mais elles ont été mises en minorité dans la rémunération du salariat dont l’immense majorité relève d’une convention collective ou d’un statut.
Ces conquêtes du mouvement syndical sont aujourd’hui attaquées, le pacte est un des éléments de cette attaque, et pas un des moindres.
En donnant des missions qui nécessiteront un contrôle de la part du chef d’établissement, le pacte vient demander aux enseignant·es de renoncer au salaire au statut pour goûter au salaire à la mission.
Nous nous retrouvons à la place des personnes qui, ayant des revenus insuffisants, ont accepté de devenir chauffeur UBER.
« Votre rémunération est insuffisante ? » demandent Macron et N’Diaye. « Eh bien nous l’augmenterons, si vous accepter ces missions. »
En négociant au rabais les salaires des enseignant·es, on les pousse à subir leur métier, à choisir le pire : le pacte fonctionne sur le principe de la servitude volontaire.
On voit que le problème n’est pas tant un problème d’argent qu’un problème de pouvoir. A quel prix se vend la liberté des enseignant·es ?
L’enjeu est la liberté contre le contrôle.
Le moyen est l’argent.
Le prétexte est la revendication de hausse des salaires.
La revendication d’une augmentation de salaire mérite donc d’être précisée :
Nous voulons des augmentations fortes : indiciaires et de valeur du point.
Nous voulons que l’ensemble des salarié.es de l’éducation aient un salaire au
statut, ne pouvant ni descendre ni être perdu.
Le pacte contre l’autogestion
Le pacte vient culpabiliser les enseignant·es au lieu de leur faire confiance, au lieu de reconnaître leur travail. Nous devons en faire plus, avec toujours plus d’élèves.
Pourtant, les enseignant·es montent déjà des projets. Les enseignant·es organisent déjà des sorties. Toutes ces missions ne sont pas obligatoires alors pourquoi donc le font-elles/ils ?
Parce qu’elles et ils estiment y trouver du sens pour leurs élèves.
Parce que leur salaire, même faible, suppose une confiance dans leur temps de travail hors face-à-face pédagogique.
Comment parvenir à une école faite aussi de sorties scolaires, d’interventions en classe, de pratiques culturelles, bref à une école ouverte et émancipatrice ?
En nous donnant tout simplement la possibilité de gérer nous-mêmes notre travail.
Et si le salaire au statut est une condition, elle n’est pas suffisante.
En effet, les conditions de travail et le cadre institutionnel de l’école doivent permettre cette autogestion. Disons-le tout net : laisser gérer la misère par des professeur·es des écoles dévoué·es pour gérer l’accueil, le secrétariat, les surveillances, la cantine... ce n’est pas l’autogestion. Obliger des enseignant·es à remplacer des collègues absent·es sur leur temps libre, ce n’est pas de l’autogestion.
L’autogestion présuppose une infrastructure suffisante pour ne pas être, au quotidien, pris dans des tâches urgentes par manque de moyen humain ou matériel.
En plus d’être catastrophique en terme de salaire, le pacte est donc un obstacle de plus à l’autogestion de nos établissements.
Le SUNDEP-Solidaires demande :
• Une augmentation réelle qui doit passer par une véritable augmentation du point
• Une amélioration des conditions de travail
• Une plus grande liberté pédagogique
• Une reconnaissance du métier
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